Stonehaven, ou la tendresse armée de Rohan Mirza

Pour sa collection SS26, Rohan Mirza transforme la cour de l’école Duperré en un fragment de la carte Stonehaven du jeu vidéo Call of Duty, recréant un jardin où les silhouettes nous font passer, littéralement, du virtuel au réel.

Crédit photo : Rohan Mirza

Un vestiaire du jeu

Pour son deuxième défilé, Rohan Mirza installait le public dans un jardin dont la fraicheur de la pelouse sur le vêtement créait une connexion avec la nature presque ironique, tant les silhouettes à venir relevaient du surnaturel. Les mariés inertes et scarifiés, assis sur un banc central, en donnaient déjà le ton. Le défilé s’ouvre sur le concert d’un groupe tout droit sorti de Guitar Hero. Très vite, les proportions exagérées de plusieurs silhouettes rappellent le vestiaire des personnages de mangas et de jeux vidéos des années 2000 ; à l’instar de la silhouette 24, bulle de chewing-gum à la bouche et cheveux en silicone peignés façon Light Yagami dans Death Note.

Crédits photos : Rohan Mirza

Si certains looks semblent reprendre l’esthétique traditionnelle des vampires et des fantômes (pour le contexte, la map Stonehaven apparaît dans Call of Duty: Ghosts, 2013), d’autres sont des sortes de cyborgs hyperréalistes, équipés d’un casque, de poches ou de bandes de munitions en excroissance de leurs corps. Les matières molleton et jersey introduisent une douceur en contrepoint des armes qu’elles côtoient. Ces dernières, souvent moulées en blanc, paraissent vidées de leur fonction létale. Bien que les balles et les fusils contribuent à créer un cadre dystopique, les notes de défilé confirment qu’ici, ils défendent l’amour et la connexion.

Un bain de sang pour tout l’amour du monde

Crédit photos : 1, 2 4 par Rohan Mirza ; 3, Theodora en coulisses avant de défiler, par Tavan Esmaili @tavan_es

L’introduction d’armes, de sang ou de symboles guerriers dans la mode n’est pas nouvelle, mais Mirza en renverse le sens. Là où Mowalola Ogunlesi dénonçait la violence raciale et systémique avec sa robe bullet-hole portée par Naomi Campbell, le designer d’Epinay transforme le sang en signe d’union : “Le sang n'est plus l'image d'une mort macabre, mais, métaphoriquement, celle de l'amour éternel, avec toute la tendresse et la maladresse que cela implique.” (extrait du communiqué de presse). Ce renversement rejoint la réflexion portée par l’exposition Blood: Medieval/Modern (Getty Museum, 2024), qui montre comment l’usage du sang peut exprimer à la fois le traumatisme et la réparation. Stonehaven s’inscrit dans cette continuité en faisant de la vulnérabilité une réponse à la dureté du monde.

Crédits photo : Rohan Mirza

Au-delà de ses multiples références, la collection de Rohan Mirza ouvre une réflexion sur la difficulté de créer des liens sincères dans une société saturée par l’individualisme et la banalisation de la violence sociale.

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